Barbara était accoudée à la balustrade de la terrasse, un verre de jus de fruit exotique dans la main, et regardait sans y prêter attention l'intérieur de la salle. Derrière les baies vitrées se déroulait l'un des gala de charité de la police, et comme tous les galas, tous les ans, Barbara se devait d'y assister. Bon, soyons honnêtes, elle aimait bien porter des robes, se faire belle, mais sitôt mis le pied dans la salle de réception qu'elle commençait déjà à mourir d'ennui. L'inspectrice Montoya était de garde ce soir, et si elle connaissait presque tout le monde, il n'y avait personne qui lui prêtait réellement attention ni personne à qui elle désirait vraiment parler. Elle allait comme d'habitude passer sa soirée à saluer les collègues de son père, laisser traîner ses oreilles et tirer partie de cette soirée comme elle le pourrait. En effet, ces galas internes étaient le meilleur moyen de rester au courant de ce qui se passait dans les rues de Gotham. Et surtout, l'occasion idéale de savoir en qui elle pouvait avoir confiance du côté de la police. La plupart des flics étaient à moitié pourris, quand ils n'étaient carrément pas des vendus aux différentes pègres de Gotham. Et Barbara avait le don de repérer les gens louches qui allaient traîner dans un coin pour parler des affaires ou régler leurs compte. Barbara nageait dans ce milieu sans aucun problème, qui se méfierait d'une telle jeune femme ?

Alors, oui, Babs aurait préféré être dehors ce soir, arpenter les rues et débusquer des malfrats en action. Depuis qu'elle avait enfilé son costume, elle se sentait utile, elle se sentait revivre, et elle sortait autant que possible. Mais pas ce soir. Au moins, elle se consolait en se disant que même les super-héros devaient passer du temps avec leurs indics. Ou que même les super-héros devaient de temps en temps prendre un peu de temps pour souffler, et qu'elle, elle utilisait ce break pour se renseigner. Barbara se disait qu'elle était en train de s'améliorer, et qu'elle ne faisait pas une mauvaise héroïne. Et bientôt, toute la ville le verrait. Tout Gotham, et surtout Batman. Il ne la remballerait plus comme une gamine. D'ailleurs, elle n'en était plus une. Surtout pas ce soir dans sa robe de soirée.

Enfin, Barbara était là, seule ou presque à la terrasse du Palais des Congrès qui accueillait le gala. Il faisait encore bon dehors et la soirée ne faisait que commencer. Une bouffée d'air frais lui faisait le plus grand bien. A l'intérieur, elle se sentait assaillie par les invités qui ne cessaient d'arriver en un flot constant, par la musique et les conversations. Barbara se retourna et posant son verre sur la balustrade, contempla la ville. Elle avait presque oublié à quel point elle préférait le calme et la solitude, et à quel point ces soirées n'étaient guère faite pour elle. La nuit était tombée depuis longtemps, mais les lumières brillaient encore pour l'éclairer. Même de si haut, elle pouvait entendre les sirènes et les cris de la ville. Le crime courrait les rues ce soir, mais pas elle. Heureusement, elle savait que l'un d'entre eux n'aurait pas abandonné son poste. Si elle ne pouvait être dans les rues, Batman lui veillerait sur Gotham en attendant. Sirotant tranquillement son cocktail, elle se laissa dériver, suivant le fil de ses pensées, qui tournaient majoritairement autour d'un seul et même sujet, à savoir sa future carrière au service de Gotham. Tant et si bien qu'elle n'entendait pas les allées et venues sur la terrasse autour d'elle...

Je coupai l’eau de la douche et tendis ma main à l’aveuglette à l’extérieur de mon rideau de douche pour attraper la serviette que j’enroulais autour de ma taille après m’être séché rapidement. J’effaçais la trace de vapeur sur le miroir en grimaçant – ça laisserait une trace, je détestais cela ! Je soupirais en passant une main sur mon visage. Ma barbe de deux jours tiendrait encore un peu, j’étais déjà en retard et puis, j’aimais bien ce style parfois. Je revins dans ma chambre et souris en ouvrant ma penderie. J’aimais mettre un costume et j’avais plusieurs assortiments possibles. J’optais pour un costume noir, une chemise blanche, un veston noir légèrement brillant et une cravate rouge bordeaux. J’enfilais tout ça soigneusement, ne voulant pas froisser mes vêtements puis, je revins me peigner. Mes cheveux de devant étaient à la fin de mon expédition à la salle de bain, légèrement laqués et relevés vers un côté alors que j’avais laissé naturel sur le reste de ma tête.

Enfin prêt, je choisis de prendre ma voiture pour me rendre au palais des congrès où se tenait le gala de charité de la Gotham City Police Departement. Pas peu fier d’en faire partie, je n’avais pas oublié de mettre mon badge d’officier sur le costume, comme il en était de coutume lors de ces cérémonies. Le commissaire Gordon serait là aussi et je me sentais légèrement anxieux à cette idée. Bien que sa présence m’était toujours honorable, j’étais gêné lorsqu’il me prenait pour exemple aux yeux des autres officiers de son équipe. Je pris la route machinalement, connaissant la route par cœur. La ville était comme toujours très animée et mes yeux ne pouvaient s’empêcher d’être vigilants à un quelconque signe anormal comme ça devenait de plus en plus courant. Ma route se passa sans encombre et je me garais près du palais. Après avoir verrouillée ma voiture, je me dirigeais une main dans la poche de mon pantalon, d’un air nonchalant mais plutôt aguicheur vers la salle de réception.

À l’entrée, je présentai mon invitation et j’entrais après avoir remercié le portier qui m’avait cédé le passage. Je soupirais discrètement, déjà blasé par l’ambiance, en voyant les charmantes femmes au bras de leur riche époux. L’argent, l’argent, et toujours l’argent. Entre ceux qui usaient de corruption, ceux qui gagnaient de l’argent sale, d’autres pourritures qui se faisaient avoir. Même la police de Gotham n’était pas toujours très claire. J’avais du mal à faire confiance et je serrais légèrement la mâchoire en sondant l’assemblée du regard. Enfin, je fus soulagé en reconnaissant Gordon. D’un pas vif, je m’avançais vers lui, interceptant au passage deux coupes de champagne. Arrivé à sa hauteur, je le saluai d’un signe de tête en lui tentant une coupe. « J’ai bien cru ne jamais vous trouver, commissaire. Les baronnes et autres personnalités me filent des boutons. » J’ouvris les yeux d’un air comique avant de pencher la tête pour boire une gorgée de champagne après m’être raclé la gorge.

Après un bref regard échangé avec Gordon, je m’éclipsais avec son accord alors que des gens tout à fait hypocrites venaient saluer leur commissaire. Je préférais m’éclipsais au calme sur le balcon où je m’accoudais, la coupe de champagne entre mes mains. Je bus une nouvelle gorgée en scrutant l’horizon où des bruits animés couvraient encore la ville malgré l’heure déjà avancée. Je tournais légèrement la tête et je souris doucement en voyant une jolie jeune femme qui semblait tout aussi passionné que moi par l’évènement. Que diable une aussi jolie femme faisait-elle ici, seule ? Je ne me souvenais pas de l’avoir croisé, elle n’était pas une collègue, c’était certain. Elle m’intriguait parce qu’elle ne se pavanait pas au bras d’un richissime entrepreneur de la ville et mieux, elle n’avait strictement rien d’une potiche à rire par exemple aux blagues peu drôles de ces hommes horribles mais dont le gros portefeuille faisait d’eux, à lui seul, un critère excellent pour faire semblant d’en être amoureuse. Que c’était pathétique et désolant. Mais la jolie rousse n’avait rien de toute cela ce qui avait de quoi me ravir.

Je pris une seconde coupe de champagne quand un serveur passa et je m’avançais, galant, vers la charmante présence qui m’était offerte d’avoir à cet instant. Je lui souris en lui tendant le verre. « Une petite coupe ? » Je souris un peu plus quand elle prit le verre et je restais accoudé à côté d’elle, fixant la ville illuminée à nouveau. « Vous préférez aussi la compagnie du ciel à celle des invités ? » J’échangeais un regard amusé, alors qu’un serveur passait avec des gâteaux apéritifs. Je l’arrêtais en disant : « S’il vous plaît, je vais garder le plat, merci » Je ne laissais pas le choix au serveur qui me cédait le plateau d’un air surpris puis, j’affichais un grand sourire en lui proposant des petites gourmandises. « Faites-vous plaisir ! Quitte à s’ennuyer, autant profiter des petits fours offerts par la Police de Gotham, mademoiselle. » Naturel au possible, j’avais cependant conscience que ma classe et mon humour naturels n’étaient pas pour déplaire à la gente féminine, surtout lorsqu’elles me plaisaient. Si je la faisais rire, ce serait à demi gagné…

Elle me remercia alors que je lui avais offert une coupe de champagne. Je restais sourire et je n’avais pas à me forcer, sa compagnie me ravissait. N’importe quelle personne autre que tous les invités richissimes et hypocrites de la soirée m’aurait plu mais je devais avouer qu’une jolie jeune fille, c’était rajouté de la tomate dans les pâtes, le goût du luxe, en somme. J’engageais une conversation toute simple à propos de son sentiment qui, d’après sa réponse, était celui que j’éprouvais aussi à l’égard de ce gala.

__ Par une si belle nuit, il est difficile d'y résister. Lorsque vous n'avez pas à discuter business ou à cirer des chaussures pour votre avancement, il ne vous reste pas grand chose à faire, et elles deviennent facilement ennuyeuses si l'on ne trouve pas de compagnie.

Je souris doucement à sa réponse en acquiesçant d’un signe de tête. J’étais d’accord avec elle. Le lèche-botte n’était pas ma façon de faire pour avancer dans la vie. Ce que j’avais, je l’avais obtenu en travaillant, ou en me battant dignement contre des adversaires. Je serai légèrement la mâchoire et je soupirais en regardant l’horizon. Certains combats devaient encore être menés, et je n’étais pas prêt à renoncer. Je me perdais dans mes pensées et un silence s’installa sans que je ne m’en aperçoive. Quelques secondes passèrent où je réfléchissais avant de chiper un plateau de petits fours. Quitte à s’ennuyer, autant faire plaisir à nos papilles !

__ Je dois avouer que si je suis là ce soir, c'est en partie pour les petits fours, ils sont réellement exquis.

Je croquais dans un petit four en la regardant gentiment alors qu’elle faisait de même. Je la regardais ensuite d’un air interrogateur en finissant ma bouchée puis, curieux, je ne pus m’empêcher de demander :

__ Vous avez été contrainte de venir ici par votre conjoint, j’imagine? Une ami peut-être? En général, ça se passe comme ça. Je crois que c’est pour ça que je suis célibataire. Je ne force personne à rien, et c’est très bien comme ça. Quel est votre rapport avec la Police de Gotham, si ce n'est pas indiscret ?

Je lui souris doucement, laissant planer la nouvelle. J’étais libre comme l’air, elle en était désormais au courant. Je la regardais d’un air admirateur, bien que discret, alors qu’elle se tournait légèrement vers moi, irrésistiblement sensuelle. C’était une grâce qu’elle semblait avoir chez elle. Elle ne me faisait pas du charme, c’était une aura qu’elle possédait. Finalement, la conversation revint à moi lorsqu’elle me demanda :

__ Et vous inspecteur, pourquoi êtes vous là ? Vous cherchez une promotion ? Un extra qui n'apparaitra pas sur votre salaire ? Une riche dame de Gotham qui chercherait un petit jeune à mettre hors du besoin et qui s'occuperait d'elle quand son mari n'est pas là ?

Je souris et secouais la tête, mon sourire s’élargissant au fur et à mesure de ses suggestions. Je posais un coude sur la balustrade pour lui faire face et j’observais légèrement les alentours, tentant de trouver un des exemples flagrants qu’elle avait pu citer. Ce soir encore, ça ne louperait pas. L’un des scénarios que ma compagnie avait cité était réalisé à quelques mètres de nous, c’était inévitable.

__ Je suis donc démasqué. Arf, c’est le badge, c’est trop. Je le dis au commissaire qui m’encadre. Il est persuadé que ça fait plus chic. Moi ça m’emmerde, quoi ! Sérieux ! Je ris doucement à nouveau avant de reprendre. __ Sérieusement, je suis venu là par solidarité avec mon chef. Et pas que pour lui, vu que je vous tiens compagnie à présent.

Je souris davantage en la regardant. Après tout, le mouvement de solidarité que j’avais eu pour le commissaire Gordon s’était étendu à ma charmante compagnie que j’étais loin de soupçonner comme étant la propre fille du chef que je venais de taquiner sous ses yeux.

__ Au fait, moi c’est John, ou Joe pour les amis. Enchanté.

Je lui tendis une main chaleureuse alors que dans mon dos, avançait tranquillement Mr Gordon vers nous, bien loin de m’imaginer que mon petit jeu allait vite tournait en ma défaveur ce soir.

Encore une fois, j’avais dû me montrer trop avenant, voire trop curieux. Saleté de métier qui me rattrapait toujours. Je crois que ma vocation collait parfaitement à ma personnalité. La jolie rousse confirmait la règle.

- Eh bien, vous ne travaillez pas à la GCPD pour rien, en voilà bien des questions ! Mais si vous voulez tout savoir, j'accompagne mon père, il n'est pas un grand fan de ces soirées, mais il aime tellement m'y traîner que je me dis que ça le soulage de savoir qu'il n'est pas le seul à souffrir !

Je souris doucement, lui faisant une petite blague sur le fait qu’elle m’avait démasqué dans ma nature. Bien entendu, le badge que je portais lui avait simplifié la tâche, mais j’aimais rire des capacités d’analyse des gens certainement parce que j’étais certain d’être un excellent analyste. Seulement, pour la jeune femme, il est clair qu’il aurait fallu que je revoie un point essentiel de son profil qui ne tarderait pas à me rattraper. Je m’envolais dans des compliments subtils, la confortant sur le fait que j’appréciais sa compagnie et qu’elle n’était pas seulement le moyen d’échapper aux terribles bourgeois qui marchaient avec un balai dans le derrière sur le plancher du palais des congrès comme si celui-ci était recouvert d’œufs qu’il ne fallait casser.

- Et j'en suis ravie... Je ne pense pas qu'il vous tienne rigueur de me tenir compagnie d'ailleurs.

Je souris doucement, et acquiesçais, certain en effet que mon chef ne verrait aucun inconvénients à ce que je séduise une jeune femme afin d’égayer ma soirée. Finalement, je me souvins des manières conventionnelles et je lui tendis ma main en me présentant, main qu’elle me serra en répondant :

- Moi de même John, et moi c'est Barbara, Babs pour les amis.

Je lui fis un léger baisemain avant de lâcher ses doigts qui sentaient un doux parfum et je lui souris en répondant, tout en voyant le commissaire Gordon avancer vers nous, bien loin d’imaginer qui il était.

__ Enchantée, Barbara. Tiens, je crois que vous allez faire la connaissance de mon chef. Il ne supporte pas que je sois en bonne compagnie et le pire, que je ne partage pas.

Je souris jusqu’aux oreilles en plongeant mon nez dans ma coupe de champagne pour cacher ma moue rieuse alors que mon chef arrivait presque à notre hauteur.

- Ah, tu es là ma chérie !

Je manquais de m’étouffer en avalant de travers me faisant cracher le champagne dans mon verre par inadvertance en éclaboussant mes joues. Discrètement, je m’essuyais et je levais les yeux vers mon chef, en souriant, l’air de rien. Mais je m’étais déjà trahi tout seul, il faudrait me rattraper à présent.

- Oh, John, je vois que vous avez fait connaissance avec ma fille. Barbara, je te présente l'inspecteur Blake, l'un de mes meilleurs éléments... Mais je présume qu'il s'est déjà présenté. C'est vrai que je parle d'elle, mais tu n'avais jamais vu ma petite Barbara... Mais qu'est-ce que vous faites tous les deux seuls dehors ?

J’ouvris de grands yeux en apprenant le lien qui unissait les deux protagonistes qui m’entourait et je les regardais à tour de rôle, l’air horrifié à la manière d’une personne prise en plein cauchemar et qui veut se réveiller. Finalement, je me repris et j’essuyais à nouveau mon costume légèrement humidifié par l’alcool qui s’était renversée.

__ Je… Non, en effet. Vous n’aviez jamais fait les présentations alors nous avions dû nous en charger nous-même. Après tout, vous passez autant de temps avec moi qu’avec votre famille dans une semaine alors il était temps que nous fassions connaissance.

Je lui souris sereinement, visiblement plus à l’aise. Gordon était un bon gars et j’aimais beaucoup sa compagnie. Il suffisait simplement que j’oublie la raison qui m’avait d’abord conduit à aller vers sa fille.

__ Apparemment, le balcon est l’endroit le plus fréquent par ceux qui s’ennuient de toutes ces paillettes et ce bling bling. N’est-ce pas Gordon… Dites-moi, d’ailleurs, que faites-vous ici ?

Je souris largement, le taquinant parce qu’après tout, je savais que mon patron était lui aussi agacé par ce monde bourgeois qui faisait pourtant partie de Gotham. Sa présence sur le balcon était sans aucun doute un moyen d’échapper à cela quelques minutes afin de prendre un grand bol d’air plus pur. Conscient de mon air taquin, Gordon ne tarda pas à me remettre en place.

- J'espère que vous ne faîtes pas du charme à ma fille, Blake... Vous êtes un peu vieux pour ça, non ?

Je souris, mais je ne pus rire quand il partit dans un éclat de rire, mon visage restant quelque peu horrifié le temps que je sentais sa main sur mon épaule. J’ouvris de grands yeux en regardant Barbara, cherchant de l’aide, lui faisant comprendre que je trouvais parfois son père cinglé.

__ Gordon, je ne me serais jamais permis sans votre permission. Non, non, même avec en fait.

Je finis par rire et je tendis le plat de gâteaux apéritif en disant, de bonne humeur :

__ Mangez, au lieu de dire des bêtises. J’ai cru comprendre que les Gordon étaient adeptes des petits fours salés… et des bonnes vannes…

J’échangeais un regard avec Barbara. Elle savait qui j’étais et m’avais bien vanné en me cachant son identité. Les Gordon étaient malins, mais je l’étais aussi. Barbara montait d’un cran dans mon estime et je me jurais d’entretenir cette amitié naissante à défaut de pouvoir la séduire, mais cette idée s’envolait déjà peu à peu.

Show Time Babs... C'était à peu près ce qu'elle pensa lorsqu'elle vit arriver son père, et ouvrir la bouche. Quelques secondes avant de voir se peindre une expression sur le visage de l'inspecteur qu'elle n'oublierait surement pas de sitôt. Gêné, embarrassé, surement frustré voir peut-être guère enchanté du tour qu'elle lui avait joué, Barbara attendait avec impatience la réaction du policier. Bien sur, elle aurait préféré qu'il continue ainsi à la draguer toute la soirée, comme si elle n'était pas différente des autres femmes, comme si son âge ne comptait pas. Mais il ne fallait pas rêver, et qu'il l'ait abordé devrait lui suffire, et elle devrait de toute façon s'en contenter. Il serait bien mal venu qu'il reprenne son jeu de séduction à présent.

Barbara ne fut pas déçue du petit spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Un peu gênée et désolée pour Blake d'avoir eu recours à de tels moyens pour pouvoir l'approcher et avoir un aperçu de qui il était vraiment. Elle aurait préféré qu'il ne finisse pas à s'étrangler jusqu'à renverser un peu de champagne sur son costume. Mais elle ne put s'empêcher de rire, tout en lui tendant aimablement un mouchoir pour éponger les dégâts. Ses yeux écarquillés l'avaient fait craquer, elle ne voulait pas rire, pour ne pas le vexer, mais là, c'était trop... Son visage lorsqu'il passait son regard d'elle à son père était tout bonnement adorable et personne n'aurait pu s'empêcher de rire, même le commissaire sourit, comprenant la manoeuvre de sa fille. Sans aucun doute le trajet de retour serait animé d'une discussion sur ce qu'il s'était passé et l'avis de Barbara à propos de John.

John tenta alors de dévier la conversation, mais le commissaire n'était pas dupe et le remis à sa place bien vite, insistant sur le point délicat...
- J'espère que vous ne faîtes pas du charme à ma fille, Blake... Vous êtes un peu vieux pour ça, non ?

Et entre le rire de son père et le regard horrifié de John, Barbara ne put s'empêcher de rire. Il la regardait, lui lançant un S.O.S des plus éloquents, et tandis que son père continuait de rire, elle lui offrit un sourire désolé et compatissant. Son père avait tendance à beaucoup plaisanter et à plaisanter en mettant ses subordonnés mal à l'aise. Et Barbara participait souvent, involontairement, à ces petites blagues entre collègues, surtout depuis qu'elle était en âge d'attirer le regard.

__ Gordon, je ne me serais jamais permis sans votre permission. Non, non, même avec en fait.

Barbara souriait toujours, mais maintenant, c'était à elle d'être un peu mal à l'aise et... déçue ? Pas vraiment, elle savait bien que ce ne pourrait être qu'un jeu, mais elle avait aimé y jouer. Elle ne voulait pas être simplement la fille du commissaire, elle aurait aimé qu'on l'apprécie pour elle, et qu'une telle révélation encourage plus que décourage ceux qui n'hésitaient pas à venir lui faire du charme. Mais il fallait croire qu'elle était surtout la fille intouchable du commissaire. Enfin, pour être honnête, cela lui convenait. Après tout, elle n'avait besoin de personne, et quelqu'un qui se rapprocherait d'elle ne ferait que mettre en danger son secret. Elle ne devait plus laisser se reproduire cela. Elle était encore jeune, elle aurait le temps de trouver quelqu'un qui l'aimerait une fois que Gotham serait redevenue une ville sure. Barbara détourna le regard un instant, oubliant les deux hommes. Ces dernières semaines n'avaient pas été simples, et l'avaient amenée à se remettre en question, et à remettre en question le destin qu'elle s'était tracé. Aujourd'hui, elle savait ce qu'elle voulait, elle savait où elle allait. Et si cette route n'excluait pas que quelqu'un l'accompagne, elle savait que les choses seraient encore plus compliquées qu'elle ne l'étaient auparavant. Barbara était une jeune fille un peu spéciale, en avance sur son âge, sur-protégée par un père qui ne cessait de la surveiller et de surveiller ses fréquentations, n'hésitant pas à les intimider. Barbara ne pouvait l'en blâmer bien sur. Mais dorénavant, elle devrait elle aussi se protéger, et surtout protéger son secret. Quelqu'un l'avait déjà percé à jour, et elle devrait être plus prudente. Elle n'avait jamais été une séductrice, ou une tombeuse, au contraire elle avait souvent plus de mal à approcher les gens, à leur faire confiance, mais surtout, elle s'était souvent sentie inadaptée, parce que trop mature pour son âge, trop jeune pour ceux qui l'attiraient du moins intellectuellement. Sa vie affective était des plus compliquées à ses yeux, mais maintenant, cela lui importait peu. Elle s'était passé de bien de ces considérations futiles, et préférait avoir des amis en qui avoir confiance que des petits-amis qui en s'approchant trop près pourraient lui faire tellement de mal...

Une voix derrière eux héla alors le commissaire qui après un mot d'excuse s'éclipsa, ce qui tira Barbara de ses réflexions. Elle se rendit alors compte qu'elle était restée silencieuse ou presque depuis l'arrivée de son père, laissant John à son pauvre sort et elle lui devait bien des excuses

- Désolée John, je peux toujours vous appeler John malgré tout n'est-ce pas ? Barbara lui sourit, un peu gênée avant de continuer. Je suis désolée de vous avoir conduit droit dans le mur, mais je voulais réellement avoir une chance de connaître le John derrière l'inspecteur Blake, et je ne pensais pouvoir le faire que si vous ignoriez qui j'étais... Mais je vous ai embarrassée devant votre boss, et j'en suis réellement navrée. Mais je voulais savoir si vous étiez réellement ce flic irréprochable et si vous étiez réellement digne de la confiance que mon père place en vous.

En effet, c'était surtout là que Barbara voulait en venir. Se saisissant d'un mouchoir, elle le passa sur son costume légèrement tâché de champagne en lui souriant d'un air désolé. Il avait passé le test. Barbara pouvait dire qu'elle était en général un bon juge de caractère et qu'elle, était plutôt douée pour "sentir" les gens. Et elle avait eu un bon ressentiment au sujet de John, et elle était contente et soulagée de voir que Gotham ne comptait pas des flics pourris et qu'il y en avait encore à être le genre à vouloir changer la situation à Gotham. Nul doute que Barbara appréciait l'inspecteur, pas simplement parce qu'il était venu la draguer, mais parce qu'il était naturel, franc, et qu'elle sentait qu'elle pouvait avoir confiance en lui.


- Et ne vous inquiétez pas, il ne vous en tiendra pas rigueur.