Peu à peu, je devenais de plus en plus à l’aise avec cette couverture. Même étant habituée au grand luxe, travailler comme humble serveuse me remémorais ma mère. Elle était l’honnête de la famille, personne ne pouvait lui reprocher son grand coeur. Mais je ne voulais pas lui ressembler, je ne l’avais jamais voulu, même à cinq ans. En revanche, l’attrait des belles robes, de la belle société me manquait, dans cette ville, le gain et le risque étaient plus grand, ma dose d’adrénaline était à son apogée à mon plus grand bonheur ; mais le manque de luxe me dévorait de l’intérieur. Mon sous-sol, partagé avec Burton était un premier point, mais le luxe de Los Angeles et de New York me manquait, les naïfs et les heureux remplissant les plages à perte de vue, le plaisir exquis des soirées élégantes me transperçait de tristesse quand j’osais y repenser. Je n’étais pas rentrée dans ce cercle de grand méchants, à mon péril, mais aussi à ma survie. Tout le monde me cherchait, tout le monde voulait récupérer leur argent, les gens convoitaient mon butin ; ne pas connaître mon identité était à mon avantage. Faire le travail de serveuse était un jeu d’enfant, et les pourboires qu’on me laissait n’était qu’une misère, même si certains vieux garçons pensaient me remplir de bonheur, quel triste euphémisme. Tout ça ne devenait qu’un jeu dès que je pénétrais la pièce, un acte, une pièce de théâtre inconnue, mais jouée avec passion. Je me mettais à l’oeuvre, mis le tablier, m’attachais les cheveux, et mon caractère subitement se transformait en gentille jeune demoiselle, prête à servir n’importe qui avec le plus grand sourire au monde, plein de gentillesse et de pensées malsaines.

J’allais voir mon premier client vers une table légèrement exclue, l’homme s’était mis à l’écart, probablement volontairement. « Bienvenue au Black Canary, que puis-je vous servir ? » Lentement l’homme releva sa tête, et je sentais mon sang se congeler, mon coeur perturbé. Je le connaissais, c’était un pauvre voleur qui avait vainement tenté de me voler, à moi. Je l’avais empêché, mais mon orgueil en étant toujours touché ; comment avais-je pu être trompée si facilement, par cette jolie tête. Voler par la séduction des femmes, j'avais toujours trouvé ça faible, indigne d'un grand voleur. Tout d’un coup, l’idée qu’il connaisse mon identité créait une frayeur immense en moi, comme si cette vie était proche de la fin, il me fallait partir, fuir. Mais étais-je prête à partir? A redevenir cette jolie blondinette parcourant et volant les plus grandes entreprises, défiant les niveaux de sécurité les plus modernes ; alors qu’à Gotham, l’appât n’était que plus gros. « Qu’est-ce que tu veux ? » L’idée que ce ne soit qu’une coïncidence n’était pas venue m’interloquer, pour moi, il m’avait traqué, probablement difficilement, je pensais être suffisamment sur mes gardes. Si lui m’avait trouvé, alors, n’importe qui aurait pu être capable de me retrouver. Même mon père.