ft. John Blake

Il n'y avait rien de plus ennuyeux que de savoir à l'avance de quoi la journée allait être faite. Adossée contre le dossier de son siège, le regard de Juliet glissait avidement sur les dossiers qu'elle avait à agrafer. Elle ne devait pas lire les rapports – n'étant pas assermentée – mais elle n'avait cure de cet ordre : elle s'assurait généralement d'être seule avant de farfouiller dans le casier approprié à la fontaine de toutes ses curiosités. La jeune femme poussa un long soupir et se tassa un peu plus sur son siège en fronçant les sourcils, saisissant agrafeuse et feuilles volantes. Elle avait la vague impression de faire partie d'un travail à la chaîne ; c 'est en s'enlisant profondément dans de sombres pensées qu'elle posa un regard prudent sur John Blake. Celui-ci semblait absorbé par plusieurs affaires donc Juliet n'avait pas connaissance. Elle n'irait, évidemment, pas lui demander sur quoi il travaillait. La tension était de mise entre les deux « collègues ». Juliet avait adoré se faire sauver d'une mort (ou d'une blessure) certaine par son courageux supérieur – ce dernier avait nettement moins apprécié. Depuis cet incident, il ne lui adressait presque plus la parole. La jeune femme essayait tant bien que mal de se racheter aux yeux de John en lui offrant café et donuts à volonté. Qu'il refusait toujours. Le bougre.

Depuis son petit bureau, Juliet observait d'un œil brillant Mr. Blake. Elle se leva, saisit les clefs de sa voiture qu'elle flanqua dans la poche de sa veste et son manteau qu'elle enfila maladroitement. La jeune femme s'éclipsa rapidement hors du G.C.P.D. Même si elle n'utilisait pas voiture, elle aimait savoir ses clefs près d'elle. Elle se dirigea automatiquement vers la boulangerie la plus proche : elle en ressortit quelques minutes plus tard, les bras chargés de paquets contenant de délicieuses pâtisseries. Elle trottina jusqu'au commissariat et reprit son souffle juste avant d'en franchir le seuil. Elle tenait absolument à rétablir des relations cordiales entre elle et John – malgré les airs peu entreprenants de ce dernier, elle l'aimait beaucoup et appréciait son côté old-school. Personne ne leva les yeux vers Juliet lorsque celle-ci claqua la porte principale du commissariat. Tous les policiers présents semblaient plus ou moins absorbés par ce qu'ils faisaient. La criminalité à Gotham connaissait une hausse affolante. Les représentants des forces de l'ordre croulaient sous les affaires douteuses.

Juliet se dirigea une nouvelle fois vers son bureau et se débarrassa de son manteau, reposa ses clefs de voiture sur son bureau et transporta ses paquets jusqu'au bureau de John. Elle lâcha ses donuts emballés sur les dossiers sur lesquels travaillait John. Pointant le nez en l'air, drapée dans une fierté typiquement féminine, elle saisit la chaise la plus proche et s'assit dessus.

« Bonjour, John. » Susurra-t-elle en se penchant un peu vers son collègue. « J'ai apporté les donuts de l'amitié, mon cher. »

Et autant dire qu'elle ne bougerait pas jusqu'à ce qu'il les ait tous mangés. Juliet devait se faire pardonner, elle le savait. Mais cette situation perdurait – ce qui l'agaçait au plus haut point. S'il la rejetait une nouvelle fois, elle ne ferait plus d'efforts. Elle aussi pouvait se montrer rancunière mais savait, à un moment ou à un autre, accepter que tout le monde ne pouvait pas être parfait. Était-ce de sa faute si elle s'était retrouvée sur la piste d'un criminel ? Elle était novice. Chose que John ne semblait pas comprendre.

« Mange. »
Maintenant.